Il pleut tant que cela peut devenir inspirant !

Assise à son bureau, elle écoute le bruit métallique qui martèle le toit ondulé de sa bâtisse. La pluie persistante dégouline comme une vieille serpillière qu'on passera la journée à tordre sans que rien n'y fasse. Une rincée sans programme d'essorage ! La corolle des colchiques se disloque sur place, même sort réservé aux campanules qui pâlissent à vue d'œil. Plouf, les fleurs gavées se ratiboisent d'un coup. Les anémones pas mieux loties se grisent près de la dernière marguerite. La ressuscitée de l'été serre ses lèvres blanches contre son cœur jauni, toute tremblante. Pluie habituelle, pluie récurrente, pluie différente. Pluie insidieuse qui commence son traintrain le matin pour ne s'arrêter que le soir, lassée, quelquefois pas. Deux jours non stop, trois, quatre, c'est possible, et plic... et ploc... et plic.... elle couine, elle grince la pétasse de pluie mal accordée qui rappelle infiniment les sanglots longs des violons. Même sans cœur monotone, il le devient à force...

Du ciel dardé de plomb descendent des larmes meurtries. Comment apprécier ce décor ?
         Élise déteste la pluie ; elle dit que ça suffit, qu'elle va la quitter pour de bon, pour toujours peut-être. Ses incessantes pleurnicheries lui donnent le bourdon. Quel sale caractère elle a ! Son harcèlement humide la pénètre mal. Mais pourrait-elle vraiment s'en passer ? Pas sûr, elle y est habituée, attachée comme à un vieil amour qui tapisse son intérieur en Gris Payne. Quand elle rentre en contact avec la fraîcheur de son eau, elle épouse son point de vue.

Ça lui rappelle les bottes dans les flaques, l'eau dans les godasses ; les parapluies qui se plient, tournent et se retournent au vent, remplis de rires et de rêves, les cheveux mouillés qui suintent des gouttes de poésie. La peau du visage humide, les mains glissantes, l'odeur de l'humus. Toute cette eau perdue a le charme des larmoiements sans chagrin.

                                                                                                                       Sylviel.

  Sylviel.           Huile (73X60cm)      "Bateaux dans la tempête"