Un texte qu'il m'a plu d'écrire sur les mots...
Les mots
Meredith n’a jamais su laisser de trace sans tracas. Devant sa feuille vierge, elle soupire. Est-ce de mécontentement ? Non, il est plutôt question d’appréhension. Les mots ont pris la mauvaise habitude de l'effrayer à mesure qu’elle les organise sur la page. Certains se prosternent comme de braves soldats obéissants, rangés au garde à vous. D’autres rugissent tels des lions affamés de sens. Ceux-là vont même jusqu’à se battre à la vie à la mort dans des duels cruels et des combats sanglants. Certains dansent en farandoles et twistent en catimini. Les plus dociles se prélassent, un petit somme à chaque phrase, quelques songes par ci par là, voilà qui est prometteur. Les mots, qu'ils voyagent seuls, accompagnés, en ribambelle ou en sourdine, n'en font qu'à leur guise.
Meredith connaît sur le bout de sa plume leur mélodie et leur plainte. Des mots fleurs en couleur, des mots bonheur, des mots tordus, des mots cadeaux, des mots farfelus, des mots détresses, des mots caresses. Elle sait qu’il faudra raturer, accepter les écarts, provoquer la bagarre, barrer l’excès avant de dire c’est assez, j’en ai fini pour aujourd’hui. Dormez mots chéris, porteurs de l’art de dire, de transmettre et de faire rêver.
Devenir agent secret au service des mots, quel beau métier ! Une occupation racée, presque sacrée !
Il revient à la première phrase d'éveiller la curiosité, aux autres de restituer le mystère pour ne pas lasser. Les mots, oiseaux précieux s’aiment, se bécotent, s’enlacent entre guillemets. Amoureux ardents, ils connaissent le désir de plaire, de se plaire, de s’épouser le temps d’une pensée. Vivez de beaux jours mots adorés, continuez à tracer vos lignes d’éternité.
SYLVIEL.